Les livres d’échecs ne servent à rien ??
Temps de lecture : 3min
L’autre jour je parlais avec mon pote Lux, et je lui ai demandé : « C’est quoi tes meilleurs livres d’échecs ? »
Et il me répond : « J’ai pas de livres d’échecs ».
- Mais pourquoi ?
- J’en ai pas besoin.
A ce moment-là je suis outré, déjà parce que Lux a 10x mon niveau actuel, et parce que j’ai toujours travaillé les échecs avec des livres, que ce soit l’ouverture, le milieu, la tactique, la stratégie, la finale ou la psychologie, j’ai TOUJOURS tout travaillé avec les livres et je ne comprends même pas comment on peut possiblement progresser sans livre d’échecs.
Enfin ça, c’est ce que je pensais avant.
Parce que je me suis mis à réfléchir : Comment est-ce qu’un mec qui travaille sans aucun livre d’échecs peut atteindre un excellent niveau ? Et si les livres n’étaient pas si indispensables ? Et s’ils pouvaient au contraire FREINER notre progression ? (spoiler oui.)
En matière de livres d’échecs, je dois avoir fait toutes les erreurs possibles, et aujourd’hui je vous en parle pour vous sauver des mois, voire des années d’entraînement pour les plus malchanceux.
Tout d’abord, replaçons les choses dans leur contexte : Les livres d’échecs c’est cool, mais ça ne doit pas être au cœur de votre entraînement. Déjà pour les raisons que je vais donner ensuite, mais aussi parce que l’essentiel de votre entraînement réside dans 1.Jouer et analyser ses parties, 2.La tactique (ou si vous êtes un fou comme moi vous pouvez aussi travailler la tactique avec les livres, mais c’est un peu à part) et 3.Les livres. C’est une bonne manière d’avoir une progression équilibrée, et on appelle ça la règle des 1/3 :
-       1/3 de votre entraînement dans jouer et analyser
-       1/3 de votre entraînement dans la tactique
-       1/3 de votre entraînement dans les livres (finale, stratégie, ouverture, psycho etc…)
Déjà , la plupart des joueurs sérieux ne suivent pas cette règle des 1/3 : Quand on n’a pas d’entraîneur régulier, c’est rassurant de penser qu’un bon livre d’échecs peut le remplacer.  J’ai fait l’erreur de penser ça, et de consacrer la plus grande partie de mon entraînement aux livres.
Et pourquoi me le reprocher ? C’est super, les livres d’échecs ! Ça a plein de bienfaits : Travailler un livre d’échecs c’est avant tout une aventure. Tourner le papier, déplacer les pièces en bois devant soi, c’est quelque chose que beaucoup apprécient (et j’en fais partie). C’est un vrai mood. C’est aussi la raison pour laquelle les concepts qu’on apprend dans les livres restent mieux en tête que les coups qu’on fait défiler sur un ordinateur.
Eh oui mais voilà  : la vraie question, c’est « qu’est-ce qu’on apprend dans ces livres ? »
Et pour comprendre pourquoi cette question est si importante, on va prendre l’exemple d’un livre que j’ai lu l’année dernière.

Pour mon anniversaire, on m’a offert « Mon Système » d’Aron Nimzovitsch. C’est un livre d’échecs très connu, un immense classique, j’en avais beaucoup entendu parer et je l’ai commandé sans réfléchir. 1ère erreur.
Au fil de ma lecture, je joue les coups devant moi, j’apprends, je mémorise, pendant des jours et des semaines, sans me demander si ce que j’apprends va VRAIMENT me servir. 2e erreur.
Puis j’arrive à la fin du livre. 3e erreur. J’ai tout lu. Chaque page, chaque variante, chaque sous-ligne, je les ai jouées sur mon échiquier et j’ai passé du temps dessus. 4e erreur.
Et puis une fois le livre terminé, je commande le tome 2. Parce que si j’ai commencé quelque chose, autant le finir…
…
« Un livre d’échecs, ça ne se lit pas en entier. »
Je répète : « un livre d’échecs, ça ne se lit pas en entier. »
C’est une des premières choses que m’a dit mon entraîneur quand je l’ai rencontré. Et au début, j’ai pas compris ce qu’il voulait me dire : « Mais qu’est-ce qu’il raconte ?? Bien sûr qu’on finit un livre ! Pourquoi il me dit ça ? »
Ben en fait, c’est pas si bête. Vous allez comprendre avec l’exemple de Mon système.
Qu’on soit bien d’accord : un livre d’échecs, c’est pas comme un roman : là où un livre normal prend une dizaine d’heures à lire, un livre d’échecs en prend plusieurs centaines, si vous le faites sérieusement.
Donc imaginez la catastrophe si vous ne lisez pas le BON livre.
J’ai pas réfléchi avant de commencer Mon système. Je me suis dit que c’était un bon livre, et qu’il ne pourrait que m’être bénéfique. Ne faites jamais ça.
Certes, Mon système m’a apporté des choses. Mais les concepts dedans sont un peu vieillots, un peu génériques. J’ai appris des trucs certes, mais par rapport au temps consacré au livre (plusieurs centaines d’heure), c’est minuscule.
Un « Classique » acclamé par beaucoup de gens pourrait ne pas vous être utile du tout. Si un livre contient plein d’infos nouvelles, ça ne veut pas forcément dire qu’il va vous servir dans votre progression.
A cause d’une simple décision sur un coup de tête, j’ai « foutu en l’air » des centaines d’heures d’études qui auraient pû être investies ailleurs.
Pourtant, peu après avoir commencé le 1er tome, je me suis rendu compte que la plupart des choses que je voyais dans le livres n’étaient pas… comment dire, optimales pour ma progression.
J’avais un peu l’impression de tourner en rond, de gâcher mon temps. J’avais rarement ce feeling de « Wow, ok là je viens d’apprendre un truc qui me fait progresser ». J’étudiais juste pour étudier, et je me disais « Si je passe 300h sur ce livre, je verrai forcément des résultats ».
… Bof.
J’étais pris dans ce piège très courant du « j’ai commencé ce truc, donc je dois le finir ».
Et le résultat, c’est des centaines d’heures à l’eau.
Parfois, c’est beaucoup mieux de ne PAS finir certaines choses, plutôt que d’aller jusqu’au bout. J’ai payé ma place de ciné et le film est pourri ? Je me barre ! Même chose pour les livres.
Ce que j’essaie de dire, c’est qu’un livre d’échecs, ça se feuillette. Ca se lit de la page 30 à 38, puis de la page 87 à 93... Pas de la page 1 à 300 !!
C’est difficile à expliquer, mais d’expérience je vous l’assure : Un livre d’échecs, non seulement ça se choisit avec une précaution extrême, mais ça ne se finit pas.
Je ne suis pas un excellent joueur, mais des livres j’en ai bouffé plein. Sur ça vous pouvez me croire.
Conclusion : La meilleure façon de progresser quand on n’a pas d’entraîneur, c’est d’utiliser toutes les autres ressources à notre disposition, et les livres en font partie. Mais il n’y a pas que les livres. Les vidéos, les problèmes, analyser des parties de maîtres ou vos propres parties, les tactiques sur chess.com, lichess, chesstempo, les bases de données, les explorateurs d’ouvertures et j’en passe. On trouve tellement d’outils pour apprendre sur internet (et gratuit en plus) qu’il serait dommage de se limiter aux livres.
Si ça vous fait kiffer de lire quelques pages d’un bon livre d’échecs, allez-y !! Mais par pitié, choisissez-le bien, et surtout ne le finissez pas. :)